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La fauvette à tête noire, 2ème partie 

Le chant de séduction

 Lorsque le mélomane averti assiste à un concert en direct, il lui arrive parfois, de constater que ce qu’il vient de vivre, a quelque chose d’unique qu’il ne retrouvera pas de sitôt.

 Il peut paraître incongru pour le néophyte de placer au même rang une prestation d’un interprète humain doué d’un talent certain, avec celle d’un oiseau, quand bien même ce dernier serait paré de riches habits.

 Pour ce qui nous concerne, il ne s’agit nullement d’établir de vaines comparaisons entre les exploits musicaux d’interprètes humains d’exception et les invraisemblables vocalises des meilleurs chanteurs à plumes.

 Pourtant, ce printemps, dans l’imbroglio d’un dense fourré de ronces et de rejet de jeunes châtaigniers, nous avons assisté à un concert mémorable que nous avons pu enregistrer dans les meilleures conditions qui soient.

 Venons-en aux faits.

 Nous avons tous en mémoire la période récente liée à la pandémie virale au cours de laquelle pour des questions sanitaires, il a fallu rester chez soi reclus avec comme seule possibilité une courte sortie quotidienne dans un rayon d’un kilomètre…

 Au cours d’une de ces sorties salutaires, nous nous sommes rendu un beau matin dans un bois nous appartenant en prenant avec nous un des équipements dont nous nous servons pour la prise des sons de nature.

 Et à peine à quelques dizaines de mètres de notre domicile, en lisière de ce bois, se déroulait un chant d’une intensité remarquable. L’auteur principal était une fauvette à tête noire. Nous disons principal, car très proches chantaient d’autres fauvettes de la même espèce à un moment où la quête du territoire était à son comble.

 Les débats étaient commencés : il était huit heures précises quand le neuf avril dernier nous avons pris en route des explications sonores qui nous semblaient et nous semblent, encore, à leur réécoute d’une importance et d’une urgence des plus hautes.

  Il nous est apparu immédiatement, en effet, que ce chant était inhabituel. Nous entendions bien la signature flûtée caractéristique de l’espèce fauvette à tête noire, mais entrecoupée de longues séquences d’une virtuosité à couper le souffle, semblant souvent décousues, mais tellement inventives rythmiquement et dans le timbre aussi.

  Cette improvisation doublée d’un geste visiblement d’une grande éloquence, tant l’oiseau dans le périmètre des quelques mètres carrés de cette arène d’opéra était agité de déplacements intempestifs - perceptibles à l’enregistrement-, ne pouvait se résumer à une joute purement d’ordre territorial.

 Certes, dans les parages, il y avait bien au moins un autre mâle - qu’on entend d’ailleurs dans l’enregistrement-, mais l’ampleur du discours du soliste véritablement inspiré relevait, à nos oreilles, du dépassement de soi.

 Aussi, il y avait autre chose, quelque chose d’impérieux et qui rendait ce chant, que dis-je cette déclamation tragédienne, impériale… !

 Nous nous doutions bien que cette autre chose était une présence qui s’est révélée à nos yeux à la toute fin de la captation. Et cette présence avait le visage d’une femelle ardemment désirée. C’était le moins qu’on pusse dire !

 La discrète « reine des broussailles » ne pouvait être que conquise par cette débauche d’énergie sonore et d’intention gestuelle.

 

  Des études ont montré que la femelle canari est sensible à des passages très virtuoses que seuls certains mâles seraient capables de réaliser ; elle réagit alors en prenant une attitude la disposant à l’accouplement.

 Nous n’avons pas assisté à l’accouplement du couple de fauvette dont il est question ici ; nous demeurions parfaitement immobiles, absolument sidéré par ce chant de séduction qui nous envahissait et qui, surtout, venait caresser la membrane de notre micro.

 Il s’agissait pour nous de ne pas rompre le charme d’une prestation que nous avons la prétention de qualifier d’artistique. Rappelons que le sens premier d’artis est celui de science en tant que moyen d’expression. 

 Dans le cas qui nous occupe, le mâle a l’habileté à émouvoir la femelle, et par là même à la séduire ; tout en s’évertuant à garder à distance un éventuel prétendant. C’est ce qu’on appelle d’ailleurs « faire d’une pierre deux coups » !

 Il faudra bien qu’un jour l’être humain accepte cette réalité « qui saute non seulement aux yeux mais aussi aux oreilles » ! Celui-ci aura gagné en maturité et en humilité le jour où il reconnaîtra qu’il n’est pas seul sur terre à être pourvoyeur d’art et nanti d’intelligence, même si parfois on se demande où se situe cette dernière dans le cerveau de certains de nos congénères…

 Nous vous offrons l’intégralité de l’enregistrement de ce grand moment musical. Ecoutez-le avec attention, au casque si vous avez, et faites-le écouter à vos enfants, proches et ami(e)s, car c’est un beau cadeau que la nature nous a offert ce matin-là.

 C’est notre devoir de le partager.       Denis Wagenmann  08/07/2020

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femelle de fauvette à tête noire se gorgeant de baies de sureau noir à l'automne (Cantal)
090420 fauvette à tête noire chant de séductiondenis wagenmann
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